vendredi 9 octobre 2015

LA COMMUNALISATION INTÉGRALE AU BURKINA FASO : OUI ON PEUT REFUSER DE FAIRE LES MÊMES ERREURS !

Siège de la Mairie de la commune rurale de Bana dans la province des Balé
Crédit photo: 
lefaso.net
La décentralisation en tant que choix politique est devenue une option largement répandue depuis la
fin du siècle dernier dans divers Etats africains. Elle se veut un système de dévolution de pouvoir de l’Etat central vers des structures situées à des échelons inférieurs. Aussi, se définit-elle comme étant un instrument de la démocratie et de la participation citoyenne à la gestion des affaires locales.

Le Burkina Faso, depuis l’adoption de la constitution du 02 juin 1991, a choisi comme fer de lance de son développement, la démocratie. Cette entreprise qui venait de rompre avec la période révolutionnaire ne s’y opposait pourtant
pas dans le fond car, elle entendait créer plus de responsabilisation du citoyen et redonner force au peuple.

En 1995, après le constat fait de la faiblesse du pouvoir central à mieux se pencher sur les questions de développement local, le pays tenta sa première expérience de décentralisation formelle. Les Textes d’Orientation de la Décentralisation (TOD) de 1998 viendront apporter une grande contribution à l’enracinement du processus de décentralisation au Burkina Faso. Ils conduiront le pays à une loi référentielle en 2004 portant Code général des collectivités territoriales (CGCT), puis à la communalisation intégrale en avril 2006.

Dès lors, le citoyen est plus que jamais vu, non plus comme simple bénéficiaire du développement, mais aussi et surtout comme acteur et co-auteur du développement. Le vieux concept de la participation sera ainsi resservi dans de nouvelles bouteilles, appuyé par des discours développementalistes associant la responsabilisation de la base. La pleine participation du citoyen à la gestion des affaires locales devient alors le maître-mot.

Jadis vue comme un outil de performance dans le cadre des projets de développement rural, la participation, à travers la décentralisation, a pris une forme plus formelle dans le cadre des réformes politiques majeures induites par l’avènement de la démocratisation.

Pour le milieu rural où les enjeux du développement se posent avec acuité, une adéquation des actions de développement local avec les besoins réels des populations peut être un indicateur de succès incontestable. Avec le premier mandat post-communalisation intégrale, l’attente d’un mode de gouvernance locale conciliant besoins des populations et actions des gouvernants locaux a été vaine.
 
La logique qui sous-tendait les promesses de la décentralisation, reposait sur trois éléments essentiels à savoir : la démocratie qui s’observera par une plus grande participation à la prise de décisions publiques, l’équité au sein des entités territoriales locales à travers une répartition démocratique des bénéfices tirés des activités locales et l’efficacité, c’est-à-dire l’efficacité économique et managériale (Ribot, 2007).

Malheureusement, avec le projet de communalisation intégrale mal planifié et mal exécuté, le pays s’est retrouvé dans une vaste entreprise de politisation du développement local. Plutôt que de booster le développement par la base, notre logique de décentralisation créa des goulets d’étranglement de l’émergence d’un développement pour tous et par tous. Or, la décentralisation est censée être émettrice d’une démocratie nouvelle qui doit permettre une plus grande responsabilisation des populations, surtout celles les plus actives.

Au travers de la communalisation intégrale, l’espace public local devrait être l’espace d’où émanent les politiques de développement par le biais de la concertation à tous les niveaux. Car, atteindre les objectifs de la décentralisation dans nos campagnes devra nécessairement passer par une implication des citoyens ruraux dans la définition des politiques publiques locales. Nécessairement.

Le processus de communalisation rurale est caractérisé par une faible appropriation des enjeux de ce projet hâtif par les citoyens ruraux. Cette faible préparation de la base faisait de la communalisation intégrale un projet mort-né. Loin de susciter l’adhésion populaire, ce projet à créer par le biais des partis politiques des fractures sociales énormes en milieu rural. Aussi, se fait-il le constat d’un assistanat chronique causé par la faiblesse des capacités de mobilisation financière à titre propre de la majeure partie des communes rurales.

Le développement participatif chanté sur toutes lèvres entre 2004 et 2006 demeure toujours une profession de foi. La pratique est tout autre. Ce sont des maires, se croyant au-dessus de tous les villageois et se mettant à prendre des décisions pour tous, qui pullulent nos communes rurales.

L’opacité est le maître mot dans la gestion des affaires locales. Les femmes et les jeunes sont moins consultés par le politique. Le conseil municipal s’apparente à un lot de marionnettes aux ordres de « monsieur le maire ». Dans de telles conditions, à quand le développement local participatif ? A quand la matérialisation du projet de communalisation intégral salvateur, intégrateur d'une nouvelle forme de démocratie, pour soutenir le développement ?

La question reste posée. Il est donc impératif, au moment où s’écrivent les nouvelles pages d’un « nouveau Burkina », que soit mis sur la table cette nébuleuse question des communes rurales comme vecteur du développement local. Il faut qu’on reparte sur de nouvelles bases pour une citoyenneté rurale plus responsable. Oui il le faut! Surtout, pour ne pas faire les mêmes erreurs!

Rodrigue Hilou

rodhilou13@gmail.com

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