samedi 16 juillet 2016

L'E-CITOYENNETÉ AU BURKINA FASO: DE LA NÉCESSITÉ D'UN RECADRAGE ET D'UNE REDYNAMISATION

De simples citoyens électeurs, certains burkinabè des villes et campagnes sont passés aujourd'hui au statut d'e-citoyen. Pour eux, internet est devenu le lieu où naissent et/ou grandissent leurs convictions citoyennes et politiques. Mais que d'amateurismes et de déviances visibles sur la toile. Ce qui contribuent volontairement ou involontairement à enliser voire altérer cette e-citoyenneté. D'où la nécessité de songer à un (auto) recadrage (individuel si possible) et une redynamisation de cette forme de citoyenneté.

Le citoyen se définit comme l’individu d’une nationalité donnée, qui participe à la vie de sa cité et qui remplit ses droits et ses devoirs en tant que tel. Ainsi, on considère qu’un bon citoyen exerce ses droits et remplit ses devoirs. Il participe activement à la vie de sa cité en s’exprimant sur les enjeux de la vie publique et en évoluant dans un objectif d’intérêt général. Dès lors que l’on juxtapose le préfixe e-, à ce terme (préfixe tiré du terme électronique), on comprend qu’il s’agit du citoyen qui remplit ces mêmes conditions avec le même intérêt, mais qui s’exprime et agit sur la toile.

Internet, le média du XXIème siècle


De nos jours, les informations de tout genre sont disponibles sur Internet, en quantité illimitée, en quelques clics, et en quelques instants seulement. Nous pouvons ainsi être désormais connectés à n’importe quel endroit du monde et à toute heure.

C'est ainsi que, le burkinabè présent sur la toile peut s'informer et réagir sur l'actualité de son pays en étant au bureau, dans son salon, au kiosque, au restaurant, etc. Internet ou plus précisément les réseaux sociaux ont bouleversé notre quotidien en tant que citoyen. Ils nous affranchis des contraintes du temps et de l’espace en nous permettant de communiquer, partager, se rassembler voire se mobiliser, quelles que soient notre géolocalisation. Et cela se fait le plus souvent sans tenir compte de notre appartenance ethnique, religieux, et politique car ce qui s'y rencontrent ce sont les idées et les expériences vécues ou non.  Les réseaux sociaux sont donc des créateurs de communautés, et de tendances politiques et citoyennes ce qui nous amène à parler d'e-citoyenneté.

Depuis nos écrans et nos claviers nous cherchons en effet, à faire entendre nos voix et à faire évoluer notre environnement sociopolitique. En communauté comme individuellement le citoyen des réseaux sociaux présente des caractéristiques forts intéressantes pour propulser la democratie dans son ensemble. Ce qui nécessite une bonne éducation citoyenne.

Englober l'expression citoyenne par une éducation citoyenne sur la toile


De l'insurrection à la résistance au putsch du RSP, les réseaux sociaux ont montré leur utilité pour l'exercice du droit citoyen à défendre sa patrie. Le citoyen burkinabè est plus ou moins branché sur la toile et commence réellement à en profiter. Il s'exprime plus. Ce qui témoigne du niveau de liberté d'expression tant nécessaire à cette nouvelle citoyenneté. Mais au-delà de s'exprimer il faut être citoyennement bien éduquer.

Actuellement, les réseaux sociaux au Burkina Faso sont devenus des plates-formes multidimensionnelles qui ne couvrent plus que le volet "expression citoyenne" uniquement. Elles occupent également le terrain de la sensibilisation et l'éducation citoyenne.

le volet éducation citoyenne est en effet très en vue actuellement avec la création de page facebook par presque tous les secteurs sociaux et sécuritaires du pays. Le citoyen est ainsi rejoint sur la toile pour parfaire ou achever sa socialisation. Cela est salutaire mais nécessite qu'émetteurs et récepteurs soit sur la même longueur d'ondes. Que faire?

La nécessité d'aller vers un recadrage et une redynamisation de l'e-citoyenneté


Aujourd'hui, à l'heure de la défense des libertés individuelles il est plus que nécessaire pour nous qui en sommes les bénéficiaires d'intégrer l'utilisation consciente et responsable des réseaux sociaux pour parfaire notre contribution citoyenne.

Bien de mineurs et d'adultes novices du Web 2.0 ont aujourd'hui accès aux réseaux sociaux sans en connaître les enjeux. Ceux-ci commencent trop vite à donner une autre direction à ces outils importants pour l'expression citoyenne en l'utilisant à d'autres fins. Ce qui en soit n'est pas condamnable car aucune charte n'oblige l'utilisateur des réseaux sociaux à y faire du sérieux encore moins y développer sa citoyenneté.

Cependant, il est important que l'éducation aux réseaux sociaux soit intégrée dans notre politique d'éducation citoyenne. Ce minimum de recadrage est plus que nécessaire pour donner un contenu utile à l'e-citoyenneté au Burkina Faso. Les réseaux sociaux sont aujourd'hui un trésor inestimable pour le citoyen burkinabè. En prendre conscience très tôt est plus que nécessaire.

Pour la redynamisation de l'existant, il faut dire que les différents web-activistes présents sur les différentes plateformes du Web 2.0 doivent se donner une bonne dose de responsabilité, d'honnêteté et de déontologie. L'e-citoyenneté a besoin que nous donnions de la crédibilité et du sérieux dans nos prises de position à travers nos publications. Le niveau de l'e-citoyenneté dans un pays se mesure aussi par la qualité du débat et aux contenus des messages. Alors nous sommes tous interpellés à donner cette dynamique nouvelle à l'e-citoyenneté au Faso.

Lever les goulets d'étranglement pour mieux avancer


En outre, redynamiser signifie renforcer les capacités et se doter des moyens intellectuels nécessaires pour profiter des droits et s'acquitter des devoirs qui incombent à tout citoyen. A ce niveau les attentes sont dirigées vers des groupes spécifiques comme celui du Réseau des Blogueurs du Faso (#RBB) pour mieux accompagner cette nouvelle forme de citoyenneté. Car toute liberté doit être entretenue avec sérieux au risque de la perdre par naïveté.

Mais vous conviendrez avec moi que l'e-citoyenneté à un coût: celui de rester toujours connecté. Cela pose du coup la question de capacités financières du e-citoyen. L'accompagnement étatique pour un développement de cette nouvelle forme de citoyenneté passe par la révision des coûts de communication et d'accès à la 3G. Le fait d'avoir un ministère chargé de l'économie numérique reste un atout. Mais encore faut-il l'utiliser.

Bref, c'est au prix de ce recadrage et de cette redynamisation que notre génération pourra se sentir plus en phase avec les réalités du moment en matière de participation citoyenne. Il faut donc agir et vite!

Rodrigue Hilou
Sociologue